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Sept à un pour le monastère de Stans

La culture du bâti : un facteur de réussite

Investir dans la culture du bâti est rentable – le monastère de Stans, reconverti en «Culinarium Alpinum», en est la plus belle preuve. Et ceci bien qu’un des huit critères de Davos n’ait été respecté que partiellement.

 

Fig. 1 : L’art culinaire alpin est le nouveau credo du monastère de Stans. Vue sur une des cours intérieures. © Daniel Ammann

 

Avouons-le, ce projet séduit par son charme. Un ancien monastère cistercien en Suisse centrale, situé en bordure d’un village pittoresque. Avec ses arbres fruitiers au pied de ses murs, la blanche et austère façade a subi de petites réparations au lieu d’une rénovation – un geste empreint d’empathie, qui se confirme dans les espaces intérieurs. La réunion de deux cellules monacales et demie forme une nouvelle chambre d’hôtel ; on en trouve 14 en tout, où ascétisme rime avec qualité : bois massif, tuyaux apparents, savon aux fleurs des Alpes. Mais le plus important est la cuisine, et ce, à double titre. En effet, dans cette auberge, on ne cuisine qu’avec des produits locaux en provenance directe de la ferme, des laiteries ou des prés environnants. Le pourquoi et le comment, on l’apprend dans le cadre d’initiations à l’art culinaire alpin, le nouveau crédo du monastère – rebaptisé «Culinarium Alpinum», pour rappeler le latin des messes d’autrefois. La promesse du septième ciel est restée.

 

Des bergers héroïques

Mais restons terrestres ! Que demandent les critères de Davos pour la culture du bâti ? Un « usage responsable du sol », une « méthode de construction durable ». À cet égard, difficile de faire mieux que cette réaffectation d’un monastère et de son économie, où tout sort de terre : de la parcelle même (les herbes), le plus souvent des environs proches (le fromage) et, au plus loin, de Suisse (le vin). Ici, bâtir et cultiver vont de pair. Faisant preuve de beaucoup de sensibilité et de modestie, les architectes Birgit et Beat Rothen de Winterthour ont ajouté de nouveaux ingrédients au bâtiment existant, sans hésiter à se servir d’un langage contemporain.

 

Fig. 2 : Les nouveaux ingrédients concoctés par Rothen Architekten – ici, la passerelle entre le monastère et le jardin en terrasse. © Daniel Ammann

 

L’établissement génère une « valeur économique » pour les producteurs, car tout arrive directement sur place, sans recours à des intermédiaires. Dans les couloirs entre le restaurant et la cour, les bergers sur les grandes photographies en noir et blanc de Sylvan Müller se transforment en héros et héroïnes et les fromagers en initiés au culte que l’on voue ici. Ces photographies illustrent aussi la publication volumineuse Das kulinarische Erbe der Alpen (L’héritage culinaire des Alpes) du gastronome Dominik Flammer, la force motrice de la fondation éponyme qui exploite le monastère. Ainsi, le projet répond à un autre critère de Davos : il « relie les personnes entre elles ». De manière concrète, il relie un public principalement urbain au paysage et aux humains qui le cultivent. Quand on a été trop déraciné, on a la nostalgie d’un genius loci unique ; un genius loci qui, ici, n’est pas seulement « renforcé », comme le demande Davos, mais défini. La « cohérence spatiale » avec le paysage environnant semble une évidence pour ce bâtiment entouré d’un jardin en terrasses, appelé « paysage comestible », qui compte quelque 500 variétés de fruits, légumes et autres plantes, évidemment toutes consommables. Certes, Stans n’échappe pas au virus de la construction. Mais les bâtiments environnants au goût amer sont cachés à la vue par les remparts du monastère, de sorte que, depuis la terrasse du restaurant, on ne voit que prés, fermes, forêts et montagnes.

 

Fig. 3 : Des coussièges accueillants s’insèrent dans le rythme strict des fenêtres : restaurant du Culinarium Alpinum. © Timo Schwach

 

Enthousiasme et obsession

Sans aucun doute, ce bâtiment « répond aux besoins », bien qu’il soit difficile de parler de « besoins », étant donné les objectifs ambitieux. Mettons alors de grandes coches à sept des huit critères de Davos. Seule anicroche: la Gouvernance, critère incluant notamment un « processus participatif ». Ici, ce n’était manifestement pas le cas. Au contraire, il était plutôt de nature paternaliste : à son origine, Johannes Senn et son enthousiasme pour le bâtiment et le projet ; Dominik Flammer et son obsession ; Tis Prager, avocat d’affaires et président de la fondation, doté d’un engagement culinaire et juridique. L’enthousiasme de celui-ci a convaincu à son tour Peter Durrer, alors manager d’hôtels cinq étoiles, de reprendre le restaurant et l’hôtellerie – et qui depuis met la main à la terre, épaulé par son coach en jardinage, ayant banni les citrons de sa cuisine. Le projet réunit donc une poignée d’hommes de milieux élitistes. Mais vu le résultat, c’est un moindre mal, même si le Culinarium Alpinum y gagnerait peut-être à collecter et explorer les recettes alpines plus populaires – et à s’adresser également à un public moins privilégié.

 

Cet article a été publié initialement dans le cahier spécial « La culture du bâti : un facteur de réussite », nº 1/2022, supplément à Tracés nº 10/2022. Nous avons ajouté le sous-titre et raccourci la version allemande.